Comme raconté dans mon message du 16 mai dernier (http://jybaventures.blogspot.com/2019/05/a-la-conquete-de-la-chine_16.html ), un éditeur chinois a acheté les droits de la série Missions Kimono pour la Chine (la série est traduite en chinois bien sûr).
Voici par exemple la couverture du tome 2, que je n'avais pas encore montrée :
Une chose m'inquiétait : la traduction des premiers albums est-elle bien faite et les expressions, tant aéronautiques que typiquement françaises, sont-elles bien retranscrites en mandarin ? A priori, oui. C'est l'éditeur chinois qui se charge de cette traduction, à partir des albums en français. Mais sait-on jamais...
Il se trouve que ma soeur, qui, en tant que professeur d'anglais ici en Bretagne, a joué un rôle d'intermédiaire dans mes discussions (en anglais) avec l'éditeur chinois et sa secrétaire en charge du dossier "Missions Kimono", m'a signalé qu'elle croise parfois une femme dont le mari est Chinois. Nous avons convenu que ce serait utile de faire lire, par ce dernier, mes trois albums "chinois" existant à ce jour. Après prise de contact, je me suis donc rendu chez lui. C'est alors qu'il m'a appris que - nous l'ignorions - non seulement il est professeur de chinois (pour des élèves français) mais qu'en plus, il lui est arrivé de faire des traductions de livres culturels en chinois, à partir de livres français (il m'a montré deux d'entre eux). Quel heureux hasard...
Verdict : il semble - ce monsieur n'a pas tout lu des trois albums Kimono en chinois, juste parcouru quelques pages de-ci, de-là - que, dans l'ensemble, les traductions soient bien faites et que les passages des textes purement aéronautiques soient à peu près bien rendus en chinois.
Avec toutefois quelques couacs...
Par exemple, dans le tome 1, à la fin de l'histoire courte Virus sur le Majunga, un avion Super Etendard apponte sur le porte-avions Clemenceau. L'officier d'appontage dirigeant la manoeuvre dit au pilote "C'est excellent, l'avion va se poser tout seul... comme une fleur...". L'expression familière "comme une fleur" est à prendre au sens figuré pour dire : facilement, sans encombres. Or, dans l'album en chinois, le traducteur a traduit fidèlement et au sens propre, avec l'idée subtile d'une jolie fleur (une vraie fleur), un peu comme si une fleur se posait sur le pont du porte-avions... Voici l'image, dans ses deux versions, l'une en français, l'autre en chinois :
Un phylactère dans le tome 2 m'inquiétait. L'album se situe en Afrique noire et il y est question de mercenaires et de trafiquants d'armes auxquels vont être confrontés les pilotes, héros de la BD. A Paris, un amiral, dans un bureau du ministère de la marine, fait un exposé et parle d'armes chinoises et libyennes importées clandestinement dans le pays où l'action va se dérouler. Mon questionnement, depuis le début de mes discussions avec l'éditeur chinois, était de savoir si la mention d'armes chinoises resterait dans l'album en chinois, dont voici un extrait (la bulle parlant des armes chinoises est dans la deuxième vignette de ce strip) :
Le professeur de chinois consulté par mes soins m'a affirmé que non : dans la bulle traduite, les fameuses armes chinoises sont devenues... japonaises...! En effet, il faut comprendre que la censure chinoise n'aurait jamais laissé passer la mention originelle...
Seulement, "couac" dans le "couac" : l'avion aperçu dans la troisième image est bien un avion chinois : un Shenyang J-6... Et lui n'a pas été censuré... (explication que je peux facilement imaginer : certainement parce que l'avion ressemble trait pour trait à un Mig 19 de construction soviétique, le Shenyang J-6 étant sa copie conforme dans l'Armée de l'air chinoise. On peut donc facilement l'identifier comme un Mig 19 revendu à un pays d'Afrique comme la Libye justement...).
Mais un autre "couac" s'est inséré dans la même bulle. En effet, le traducteur a mal lu la version française où il est question d'armes. Il a traduit par "armées". Ainsi donc, ce ne sont pas des armes japonaises et libyennes qui sont infiltrées en Afrique, mais carrément des armées japonaises et libyennes... J'ai déjà signalé cela à mon éditeur chinois pour qu'il corrige lors de la réimpression de l'album en Chine...
J'ai voulu savoir aussi comment avait été traduit le nom "Kimono" dans le titre Missions Kimono de la série. Kimono, il faut le savoir, est un indicatif radio authentique, utilisé par la 11e Flottille de chasse de l'Aéronautique navale française. Phonétiquement, c'est important, et traduire "Kimono" en chinois dans le sens du vêtement japonais (le kimono) ne voudrait plus rien dire. Heureusement, j'en avais parlé dès le début à l'éditeur chinois, qui a choisi un titre approchant, phonétiquement. Ce que m'a confirmé le professeur de chinois : les trois syllabes ki-mo-no sont reproduites sur la couverture des albums avec des signes chinois qui se prononcent (à peu près...) "ki", "mo" et "no".
Or, le professeur ajoute une information intéressante : le signe chinois de la syllabe "mo" porte en lui une notion de magie, presque de sorcellerie, qui, dit-il, est intéressante, originale, et peut intriguer et attirer les lecteurs chinois...
Quant aux trois noms d'auteurs sur la couverture : le premier nom en caractères chinois est le mien (signalé comme scénariste entre les crochets en début de ligne), le deuxième celui de Francis Nicole (dessinateur), et le troisième nom est en fait constitué de deux noms, ceux des deux traducteurs. Voici les trois groupes d'auteurs, sur la couverture du tome 1 :
A noter que mon nom, avec ces signes chinois, ne se prononce pas tout à fait "Brouard" mais des sons approchants. Quant au prénom Francis, il se lirait plutôt (et à peu près !) : "franchise"...
J'ai montré au professeur de chinois d'autres passages de mes albums où figurent des textes ajoutés par l'éditeur chinois. A un endroit, en tout début d'album, s'alignent des nombres : il s'agit de numéros de téléphone de la maison d'édition, et l'un des numéros est celui où les lecteurs et les libraires peuvent commander et se faire expédier les ouvrages par voie postale.
Une ligne dans ce texte en début d'album s'avère être le nom d'un magasin chinois où l'on peut acheter les BD. Or, m'a appris le professeur avec une pointe d'admiration, il s'agit en fait d'un réseau de librairies, "le plus connu et le plus étendu sur toute la Chine..." Voilà qui augure bien de la suite...
Et pendant ce temps-là, le tome 21 de Missions Kimono (en français) se prépare. Voici une image au hasard (dessin d'Andrea Rossetto, extrait du story-board au crayon) :
5 commentaires:
LE marché chinois! Wouah! va falloir lancer les rééditions. De grosse rééditions j'espère... En tout cas bravo
A priori, c'est énorme, voire énormissime. Reste à savoir si les Chinois seront sensibles à la BD franco-belge et à des histoires de pilotes de l'Aéronavale française...
Remplacer du chinois par du japonais, m'a beaucoup amusé! Ennemis d'un jour, ennemis toujours! Il existe encore quelques marges de progrès dans ce monde!
En tout cas, pour en revenir aux "Kimono" en Chine, tous mes voeux de succès, Jean-Yves!
François
J'espère que cet album ne va pas provoquer une nouvelle guerre entre la Chine et le Japon...
... Oui, il semblerait que quelques rancunes subsistent...
Enregistrer un commentaire