vendredi 27 novembre 2020

Les vedettes de Cherbourg

 Fin 1969, l'affaire dite des vedettes de Cherbourg a défrayé la chronique nationale et internationale et causé un scandale politico-diplomatico-militaire. 15 ans plus tard, j'ai publié un scoop dans l'hebdomadaire Le Marin pour lequel je travaillais. Voici la première page de mon article (qui fait quatre pages) :


En effet, j'avais raconté cinq mois plus tôt, dans le même magazine, une première enquête où je faisais allusion à l'affaire des vedettes (voir mon message ici, en date du 6 novembre dernier). Rappel : par de savants subterfuges, des équipages ont pris possession de vedettes militaires qui avaient été vendues aux Israéliens, mais n'avaient pu être livrées car le général de Gaulle, président de la République française, avait entre-temps décrété un embargo sur les armes à destination d'Israël. Ces équipages venus embarquer sur les vedettes étaient prétendument norvégiens. En fait, ils étaient israéliens, sous divers faux noms et déguisements, et après avoir quitté discrètement le port normand à bord des vedettes, au cours de la nuit de Noël 1969, les ont conduites d'une traite jusqu'à Haïfa en Israël. Gros scandale...

Après la publication de mon premier article en août 1984, la rédaction du Marin a été contactée par un témoin qui souhaitait apporter des informations de première bourre. Je l'ai donc rencontré, à Paris, et l'interview a donné cette enquête ultérieure, laquelle a d'ailleurs été annoncée en Une du Marin (du numéro du 28 décembre 1984, soit pile 15 ans après l'affaire) :


Ce témoin est Jacques Bruneau, à l'époque des faits préfet de la Manche, le département où se situe Cherbourg. En tant que préfet, il savait ce qui se tramait et savait que Cherboug était plein de marins n'ayant rien de Norvégiens. Les Renseignements généraux savaient aussi.  Le 20 décembre 1969, Bruneau a envoyé un télégramme au Gouvernement à Paris pour l'avertir que les vedettes allaient sans doute bientôt partir... pour Israël. Il n'a jamais eu de réponse, et rien n'a été fait pour empêcher les vedettes d'appareiller. Pour Jacques Bruneau, qui me l'a dit et répété, c'est absolument certain que le Gouvernement français était parfaitement au courant et a laissé faire volontairement...

Et dans mon article de fin décembre, j'ai pu publier copie du fameux télégramme, en fait une "Note de renseignements" tamponnée "Confidentiel Défense", dont Jacques Bruneau avait gardé l'original :


J'ai rétorqué à Jacques Bruneau que je trouvais curieux que le Gouvernement français ait fait décoller un avion de patrouille maritime Neptune pour rechercher les vedettes quand on a compris, trop tard, qu'elles avaient pris le chemin du détroit de Gibraltar, alors qu'elles étaient officiellement censées se diriger vers la Norvège. La mission de l'avion patrouilleur, c'était sûrement pour les intercepter. Le préfet m'a répondu : "Pensez-vous ! Si l'avion a été envoyé, c'est juste pour veiller à ce que tout se passe bien pour elles..." Et, parlant du Président de la République à l'époque, Georges Pompidou, l'ancien préfet a ajouté la phrase que nous avons mise en surtitre dans la dernière page de l'article :



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